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Тургенев Иван Сергеевич - Письма (1850-1854), Страница 4

Тургенев Иван Сергеевич - Письма (1850-1854)



t {Далее зачеркнуто: le moment de} l'epoque de mon retour si incertaine... Allons, allons, patience - et parlons d'autre chose.
   Si vous avez du temps de reste, lisez les "Memoires" de Mme Roland.- Ne vous laissez pas rebuter par sa phraseologie a la Rousseau (ce n'est pas du style, ce n'est pas un talent litteraire qu'il faut chercher en elle - elle n'y pretend pas, quoiqu'il y ait des pages charmantes), mais admirez une grande ame, un grand caractere, place dans une grande epoque, en lutte en elle, et marchant bravement, dignement, noblement jusqu'au bout de sa carriere. Sa derniere lettre a Robespierre (non envoyee) est un chef d'oeuvre5. Je crois vous en avoir parle.- Il y a la une energie, un dedain calme de la mort, un enthousiasme imperissable et sans emphase qu'on ne saurait assez admirer. Excepte ces memoires, je n'ai lu grand'chose pendant les deux mois que j'ai passes a la campagne.- Je n'ai pas eu non plus le temps de travailler beaucoup, quoique j'en eusse eu grande envie. Une fois a Petersbourg et case pour tout l'hiver dans une petite chambre quelconque, je vais abattre de la besogne.- J'ai l'intention de sortir peu; je ne crois pas meme que j'irai souvent entendre chanter les Italiens. Ils ne feraient que reveiller en moi des souvenire - et puis, je le repete, la musique de Goimed "a'a absorbe.
   Vous voyez que j'ai numerote cette lettre.- Je vais Continuer comme cela6.
   Dites a maman Garcia qu'il m'a ete materiellement impossible d'aller la voir a Bruxelles7; je ne pouvais disposer que d'une heure... Dites-lui en meme temps que je lui suis sincerement attache, que j'espere qu'elle a un peu d'affection pour moi et que <je> lui baise les mains avec un respect filial.- Je crains bien que mon espagnol ne s'en aille par bribes et morceaux; cependant j'ai parfaitement compris sa lettre. Et le marinera espagnol8 - pourquoi ne m'a-t-il pas mis un petit mot? Je l'aime bien aussi et sa femme - et tous - tous.
   Je me rappelle que vous m'avez demande dans une de vos lettres si la jeune fille qu'eleve ma mere9 est une honnete personne ou une intrigante? Elle n'est ni intrigante, ni honnete; pas bete, pas mechante, mais insignifiante, gatee, des manieres detestables; une espece de giisette minaudiere, paresseuse et vulgaire. Elle ne reve qu'a etre mariee bien vite. Que Dieu lui fasse cette grace et qu'elle soit heureuse a sa facon! Ma mere s'est beaucoup refroidie envers elle - cependant je crois qu'elle lui a fait, comma on dit, un sort - tant mieux!
   Voulez-vous savoir le nom de l'ancienne flamme, dont je vous parlais il y a trois semaines?- Elle se nomme Louise Chenchine. Un drole de nom, n'est-ce-pas? Dans le genre de Philosophoff10. Je vous dis cela, pour qu'il n'y ait rien au monde que vous ignoriez sur mon compte.- Et puisque nous en sommes, a ce chapitre, je vais voiis dire en deux mots mon affaire avec la mere de la petite11.- J'etais jeune... il y a 9 ans - je m'ennuyais a la campagne, j'avisai une assez jolie couturiere que ma mere avait prise a son service - je lui dis deux mots - on vint me rendre visite - je payais - je partis - et puis voila tout - comme dans l'histoire du loup. Dans la suite - cette personne devint ce qu'elle put - vous savez le reste.- Tout ce que je puis faire pour elle - c'est d'ameliorer sa position materielle - c'est un devoir pour moi - et je l'accomplirai - mais il me serait impossible seulement do la revoir.- Vous etes un ange dans tout ce que vous dites et dans tout ce que vous pensez - mais - je le repete, je ne puis que la defendre de la misere. Et c'est ce que je ferai. Pour la petite il faut qu'elle oublie sa mere completement.- Mais je vous parlerai encore de tout cela. Mon Dieu - que vous etes bon<ne> - et que cela fait bien de se confesser a vous!- Je vous prie de me donner vos cheres et nobles mains, pour que je les embrasse avec devotion.
   J'ai commence ma lettre en vous embrassant, je la finirai de meme. Venez tous, mes chers et bons amis - que je vous embrasse de toutes mes forces.- Mme Gounod, vous avez ete bien bonne de m'ecrire12 - et je me mets a vos pieds pour vous en remercier. Adieu, mes chers, mes bons; soyez heureux et benis.
   Et vous, Madame, que tout ce qu'il y a de bon au monde soit a vous. Je vous embrasse les mains bien tendrement et je reste votre

J. T.

  
   Tausend Dank fur die lieben Nagel; ich schicke etwas von meinem Haar. Ich bitte uni ein Blumenblatt, unter dem Fusse getragen.- Ich kusse die lieben theueren Fusse.
  
   P. S. Je vous envoie cette lettre a la rue de Douai; j'en ai envoye une autre a V.<iardot> il y a quelques jours13.
  

151. ПОЛИНЕ ВИАРДО

26 сентября (8 октября) 1850. Тургенево

No 3

  

Tourguenevo.

Mardi, 26 septembre v. s./8 octobre n. s. 1850.

   Chere et bonne Madame Viardot,
   Je vous ecris un petit mot a la hate pour vous annoncer mon depart, qui aura lieu demain (c'est aujourd'hui jour de poste). Apres-demain, je compte etre a Moscou - si tout va bien - vendredi au plus tard.- J'ai recu votre seconde lettre de Courtavenel (avec celle de Gounod) a laquelle j'ai une foule de choses a repondre - je le ferai a Moscou.- Vous avez du voir par mes lettres suivantes que j'ai recu toutes les votres jusqu'au n® 10 inclusivement, le n® 5 excepte - qui a fait malheureusement naufrage1.- Je ne suis pas alle a Lubovcha2, malgre tout le desir que j'avais de le faire - j'ai ete oblige de rester ici pour arranger definitivement les affaires de mon frere et ce n'est qu'hier que j'ai pu y mettre la derniere main.- Grace a Dieu, il est maintenant completement independant et tranquille; je lui ai cede la moitie de Tourguenevo qui me revenait et le voila possesseur d un fort joli petit bien qui peut lui rapporter jusqu'a 20 mille francs dans les bonnes annees.- Je lui ai provisoirement confie Lubovcha; il n'y a pas grand'chose a faire pendant l'hiver qui va dans une quinzaine de jours couvrir tous les champs d'un linceul de neige; j'ai envoye aux paysans de la-bas de l'argent pour boire pendant tout un jour a leur sante et a la mienne.- Je compte y aller au mois de mai de l'annee suivante - et y rester peut-etre un mois.- Pour l'hiver, je le passe tout entier a Petersbourg - ou je serai dans une semaine - car je ne compte m'arreter que deux jours a Moscou. Il faut que je me hate; le dernier bateau a vapeur pour Le Havre part le 20 octobre vieux style3. Je passerai l'hiver a Petersbourg, le printemps et l'ete a la campagne - et je serai bien heureux - si... Rien, rien, silence - comme dit le Fou de Gogol4.
   Et maintenant - adieu jusqu'a Moscou.- Je quitte la campagne ou pendant deux mois j'ai bien souvent pense a vous.- Vous savez que partout ou je suis - il n'y a pas de coeur qui vous soit plus entierement devoue que le mien. Merci pour toutes vos cheres, bonnes, adorables lettres; elles m'ont fait le plus grand bien; merci pour toutes vos bontes, pour tout... Je vous baise les mains avec le respect le plus tendre, je me mets a genoux pour le faire.- J'embrasse le bon Viardot sur les deux joues, j'embrasse Charles, j'embrasse tout le monde.- Que Dieu vous benisse tous!

Votre

J. Tourgueneff.

  
   P. S. J'ai beaucoup de choses a vous repondre. Je le ferai a Moscou. Je suis content que Cid soit bon.- Pour Diane, elle est sublime.- Elle part avec moi.- J'ai fait hier la meilleure chasse de l'annee. J'ai tue 24 becasses et 2 lievres!!
  

152. ПОЛИНЕ ВИАРДО

8 (20) октября 1850. Петербург

  

Dimanche, 8 novembre {*}/20 novembre 1850.

St. Petersbourg.

{* Так в подлиннике.}

   Me voici a St. Petersbourg, chere et bonne Madame Viardot - depuis avant-hier; plus pres de vous de quinze jours.- J'ai eu tant de choses a faire a Moscou pendant les 48 heures que j'y suis reste - qu'il m'a ete impossible de vous ecrire un mot et que j'ai du remettre ce plaisir jusqu'ici.- Je ne saurais vous dire combien j'ai ete heureux de trouver ici la seconde grande lettre de Courte venel1; vous etes tous des anges que j'embrasse avec tendresse. J'ai tant de choses a vous dire et j'ai si peu de temps devant moi que je cours vite au plus presse - j'ai emmene la petite et je suis maintenant sur les dents pour l'expedier de la facon la plus sure. A force de courir a droite et a gauche, j'ai fini par deterrer une Mme Robert, Francaise retournant a Paris et qui consent a se charger d'elle - malheureusement, elle part samedi prochain avec le bateau a vapeur de Stettin - et j'ose a peine esperer qu'il me sera possible d'achever d'ici la tous les preparatifs necessaires, d'accomplir toutes les formalites. Cependant, si je ne l'expedie pas maintenant, je la ferai partir cinq jours plus tard - avec le bateau du Havre - si l'on veut consentir a ce voyage - entendons-nous2.- Dans tous les cas, considerez deja cette lettre comme vous annoncant l'arrivee de cette Mme Robert avec la petite. Cette dame n'a pas l'intention de s'arreter en route - et sera a Paris dans 15 jours. Je lui remettrai une lettre pour vous, ou je vous dirai nos conditions avec elle3. Vous aurez la bonte de me faire une avance de 2 a 3 cents francs jusqu'au nouvel an - n'est-ce pas?- Je n'ai pas trop d'argent dans ce moment.- Maintenant passons au caractere de la petite. Je vous en aurais parle sans attendre vos questions.- Mais je vous remercie du fond du coeur pour votre sollicitude. J'ai passe trois jours avec elle en tete a tete dans la diligence - et voici ce que j'ai cru remarquer: elle a une intelligence tout a fait hors ligne, un caractere ferme et deja fait, beaucoup de finesse et d'observation; mais je ciains qu'elle ne manque de coeur.- Je croyais trouver une petite sauvage, timide et mal elevee - j'ai trouve un petit etre calme, presque hardi, ayant passe sa vie aupres do vieilles femmes qui la gataient, non pas comme on gate un enfant a soi - mais comme on gate une petite creature sul alterne dont on fait son jouet.- Elle sait deja plaire - s'insinuer,- avec sa remarquable intelligence elle a bien vite compris et juge sa position; vous imaginez-vous tous les defauts commodes et presque necessaires qu'elle a tranquillement acceptes et developpes dans son petit cerveau egoiste.- Dieu veuille que cette nouvelle vie - avec ses conditions si differentes - ou elle va se plonger, lui serve de bapteme regenerateur!- Mais il ne faudrait pas la gater - ce serait si vite fait!- J'ai decouvert en elle une veritable passion pour la musique - c'est toujours une bonne garantie pour beaucoup de bonnes choses.- Mais je n'ai jamais ressenti aussi profondement que maintenant combien c'est criminel de s'unir avec une femme - inconnue. Tous ces elements inconnus et mauvais qui se trouvent tout a coup meles avec d'autres... Enfin, il faut tacher de remedier au mal, pendant qu'il en est encore temps. Si jamais education a ete mal commencee - c'est certainement celle de ce pauvre petit etre; elle n'a vu que le mal et son intelligence s'est developpee aux depens de son coeur. J'ai fremi en lui entendant dire une fois avec beaucoup de sang-froid "qu'elle ne ressentait de pitie pour personne - parce que personne n'en avait eu pour elle".- "Mais si tu voyais souffrir?" - "Eh bien, qu'est-ce que cela fait? Je n'ai de la pitie que pour moi-meme". Et puis, elle a ajoute viec un ton bien etrange dans une bouche de 8 ans:- "Je asus petite, mais j'ai vu le monde; je sais tout - j'ai tout vu". Aussi, je vous avoue que je ne crois pas qu'elle puisse (avant d'avoir ete soumise a l'epreuve) se trouver en contact avec votre Louise; je le repete - c'est un potit etre a sauver - et je Compte beaucoup sur la revolution complete qu'elle va subir.- La, du moins, elle sortiia do cette atmosphere d'antichambre ou elle a vecu jusqu'ici... Et peut-etre que quand elle verra le bien, son intelligence qui, je le repete, est plus que remarquable, lui dira qu'il faut etre bonne - et son coeur desseche et rapetisse grandira et se developpera precisement a la suite de ce qui l'avait etouffe - de son esprit.
   Je lui arrangerai une petite toilette de voyage; je compte sur vous et sur la bonne et chere Mme Garcia pour le reste. A propos, Mme Garcia est bien injuste de m'ecrire que je n'ai jamais pense a elle dans vos lettres; je ne crois pas en avoir envoye une sans y mettre un bon souvenir pour elle. Cependant, je lui dois une lettre a elle en espagnol - et je m'acquitterai de cette dette dans ,1e courant de cette semaine. Je vous ecrirai encore une fois jeudi.- La petite part samedi, si Dios quiere.- Pour son nom de famille, je ne sais vraiment lequel choisir: quelque chose de simple et de francais. Dumont, Durand.- Trouvez-en un et donnez-le lui - soyez en tout sa marraine.- Je crois vous avoir ecrit son age; elle est nee le 13 mai 18424.- Elle aura un passeport russe sous le nom de Pelagueia Ivanova. - Je ne vous parlerai pas de ma reconnaissance: c'est un mot qui n'a pas de sens entre nous; mais vous savez que vous pouvez compter sur mon devouement entier, absolu, eternel, vous savez que vous pouvez me demander ma vie et que je serai heureux de vous la donner.- Je vous le dis - et je sais que vous le croyez...
   Je suis force d'achever ma lettre avant d'avoir atteint le bas de la 4me page; je m'en vais chez le gouverneur general pour l'affaire du passeport.- Je vous ecrirai encore une fois jeudi - et s'il plait a Dieu - longuement: je vous parlerai de "Sapho" - et de ces changements qui, je l'avoue, ne me persuadent pas trop.- En attendant, soyez tous mille fois benis et remercies. J'ai loue deux chambres au 3me, sur la perspective Nevski, pres du pont d'Anitchkoff, dans la maison Lopatine5, au-dessus du comptoir de Iazykoff.- Continuez a m'ecrire a la meme adresse6 - vos lettres me parviennent bien.- J'ai l'intention de travailler ferme.- Adieu - a jeudi; je vous embrasse tous, Viardot, Mlle Berthe, Gounod, Mme Gounod, Mme Garcia, Mr et Mme Sitches - des que je serai un peu libre, j'ecrirai a chacun en particulier.- Pour vous - je me mets a vos pieds et j'embrasse le pan de votre robe. Soyez heureuse et benie - a jeudi.

Votre

J. T.

  

153. H. M. ЩЕПКИНУ

18 (30) октября 1850. Петербург

  

С.-Петербург.

Середа, 18-го октября 1850.

Любезный Николай Михайлович,

   Я узнал от Грановского и Тютчева, что Вы намерены издать альманах1 - и желаете иметь что-нибудь от меня; спешу послать Вам пятиактную комедию под названием "Две женщины" - и очень был бы рад, если б она Вам пригодилась. Ее здешняя цензура не хотела пропустить, хотя оба цензора нашли ее совершенно невинной; может быть, в Москве ей более посчастливится2. Сверх того, я Вам еще на днях пошлю небольшую сцену "Разговор на большой дороге" и рассказ - "Два помещика"3. Авось что-нибудь пройдет.- Я бы почел себя счастливым, если б как-нибудь мог доказать мою искреннюю благодарность и привязанность Михаиле Семеновичу. Вы не поверите, как мне было жаль, что его не было в Москве во время моего приезда4, а мне никак нельзя было остаться долее. Надеюсь увидеть его около Нового года и лично поблагодарить его за его расположение ко мне. Желаю ему и Вам всего хорошего на свете и остаюсь навсегда

душевно преданный Вам

Ив. Тургенев.

  
   Мой адресе: На Невском, у Аничкина моста в доме Лопатина5.
  

154. ПОЛИНЕ ВИАРДО

21, 24 октября (2, 5 ноября) 1850. Петербург

  

St. Petersbourg.

Samedi, 21 octobre/2 novembre 1850.

   Je suis tellement occupe depuis quelques jours, chere et bonne Madame Viardot, que j'ai a peine quelques instants a moi; j'ai promis aux redacteurs du "Contemporain" de leur livrer un travail que j'ai en train - et il faut que je tienne ma promesse1.- Je veux cependant vous serrer la main aujourd'hui et vous dire qu'aujourd'hui comme toujours toute ma vie vous appartient.- Vous vous portez bien - n'est-ce pas? Vous etes heureuse, gaie et contente - que le ciel vous benisse mille fois!
   La petite part apres-demain2.- Tout est en regle - et Mme Robert est deja payee d'avance.
   J'ai ete mardi chez le comte Michel Wielhorsky.- J'y ai vu le comte Matthieu, qui a daigne a peine me donner le bout de ses doigts - et s'est a peine informe de vous.- Il parait qu'il en a deja assez.- Le comte Michel est charmant.- J'y ai aussi rencontre Etienne Guedeonoff, qui n'est pas change le moins du monde.- Notre conversation n'a dure qu'un moment.- Decidement - il n'y a pas grande sympathie entre nous.- Le comte Michel est - a tout prendre - une belle et riche nature - qui aurait pu devenir autre chose que ce qu'elle est devenue.- Il est tres savant sans avoir l'air d'y songer.- Voici un de ses mots: on parlait mardi devant lui de la grande quantite de Russes remarquables par leurs talents, morts d'ivresse - on deplorait une pareille fatalite - le comte Michel se leve et d'un ton convaincu s'ecrie: "Eh bien! messieurs, "c'est une belle mort!" - N'est-ce pas que cela lui ressemble?
   Mardi.
   J'ai le dos qui me fait horriblement mal et les yeux abimes pour avoir trop ecrit tous ces jours-ci - ma chere et bonne amie - c'est a peine si je puis vous dire deux mots - mais Dieu merci - mon travail est fini - et livre.- Cette lettre n'en est pas une - ce n'est qu'un billet que je vous trace a la hate pour vous dire que la petite Pauline est partie hier a 6 h. du soir avec Mme Robert et sa fille.- Je l'ai reconduite.- Elle a beaucoup pleure au moment de la separation.- J'ai remis a Mme Robert une lettre pour vous 3, dans laquelle je vous prie do lui remettre 50 fr. de gratification. Je crois que c'est assez, vu que je lui ai donne 400 francs pour le voyage - et qu'elle n'en depensera pas les deux fiers.- La petite n'a presque pas de garde-robe; cependant, elle est tres chaudement vetue grace aux soins de la bonne Mme Tut-chef.- Je compte sur vous.- Vous aurez la complaisance de m'avancer les premiers fonds necessaires - je vous enverrai 500 fr. avant le nouvel an.- Je vous parlerai dans la lettre suivante, c'est-a-dire samedi - de son caractere, etc.- pour le moment je n'ai pas le temps.- La poste allant plus vite qu'un voyageur, vous aurez cette lettre deux ou trois jours avant l'arrivee de la petite a Paris. Samedi, je vous enverrai une missive de G pages.- J'ai une foule de choses a vous dire. Maintenant, je n'ai que le temps de me mettre a vos pieds, ainsi que la petite - et de les embrasser avec ferveur et tendresse.- Que Dieu vous benisse mille fois, chere, chere amie, vous et tous les votres.- A samedi.

Votre

J. Tourgueneff.

  

155. ПОЛИНЕ ВИАРДО

23 октября (4 ноября) 1850. Петербург

  

St. Petersbourg.

Lundi, 23 octobre v. s. 1850.

   Voici, chere Madame Viardot, la petite Pauline1.- La personne qui vous remettra ce billet est Mme Robert, qui a eu l'obligeance de se charger de l'enfant.- Je lui ai remis 400 francs (100 roub. arg.) pour frais de voyage - et je vous prie de lui en donner cinquante de ma part comme remerciement.- Vous aurez la bonte de m'informer de son arrivee.- Je vous remercie d'avance du plus profond de mon coeur pour toutes les bontes que vous aurez pour la petite - et je ne puis que vous repeter l'assurance de mon entier et complet devouement. Je vous ecrirai demain; ceci n'est qu'un billet que je remets a Mme Robert. Soyez heureuse et que le ciel vous benisse a chaque instant de votre vie.

Votre

J. Tourgueneff.

  

156. ПОЛИНЕ ВИАРДО

26, 28, 30 октября (7, 9, 11 ноября) 1850. Петербург

  

Jeudi,26 octobre/7 novembre 1850.

St. Petersbourg.

   Ma chere et bonne Madame Viardot, theuerste, liebste, besrte Frau - comment vous portez-vous? Avez-vous dejadebute? Pensez-vous souvent a moi? - Il n'y a pas de jour ou votre cher souvenir ne me revienne cent l'ois a la memoire, pas de nuit ou je ne vous voie en reve.- Je sens maintenant, dans l'absence, plus que jamais, la force des liens^qui m'attachent a vous et aux votres; je suis heureux de posseder votre affection et bien triste d'etre si eloigne de vous!- Je prie le ciel de me donner de la patience et de ne pas trop eloigner le moment mille fois beni d'avance, ou je vous reverrai!
   Mon travail pour "Le Contemporain" est acheve - et a reussi au-dela de mes esperances.- C'est encore un recit a ajouter aux "Memoires d'un chasseur" dans lequel je raconte en l'enjolivant un peu, une lutte de deux chanteurs populaires, a laquelle j'ai assiste il y a deux mois1.- L'enfance de tous les peuples se ressemble et mes chanteurs me faisaient penser a Homere. Je n'y ai plus pense dans la suite - car la plume me serait tombee des mains.- La lutte se passait dans un cabaret en presence de plusieurs figures originales que j'ai tache de dessiner a la Teniers... peste! quels grands noms je cite a chaque instant!- C'est que, voyez-vous, nous autres pauvres petits litterateurs de deux sous, nous avons besoin de porter bequilles pour nous aider dans notre marche.- En un mot, mon recit a plu - et Dieu en soit loue!- A propos, je suis a la quete d'un musicien pour me noter le golochenie et je vous l'enverrai, des que cela sera fait.
  
   Samedi, 28 octobre.
   C'est aujourd'hui le jour do ma naissance - et vous pensez bien que je n'ai pas voulu le laisser passer sans vous tendre les deux mains.- J'entre aujourd'hui dans ma 32me annee...2 Je me fais vieux!- Il y a aujourd'hui sept ans que j'ai vu pour la premiere fois votre mari chez le major Komaroff3 - vous rappelez-vous cet etre ridicule?- Il y aura mardi prochain 7 ans que je suis alle chez vous pour la premiere fois4.- Eh bien - nous sommes restes amis et bons amis - je pense.- Il m'est doux de pouvoir vous dire apres 7 ans - que je n'ai rien connu de meilleur au monde que vous - que de vous avoir rencontree sur mon chemin a ete le plus grand bonheur de ma vie - et que le devouement, la reconnaissance et l'attachement que je vous ai voues n'ont pas de bornes et ne finiront qu'avec moi.- Que Dieu vous benisse mille fois! - Je le lui demande a deux genoux et les mains jointes.- Vous etes ce qu'il y a de meilleur, de plus noble et de plus sympathique sur cette terre.
   Il y a ce soir une grande reunion d'amis chez Tutcheff - pour feter ma naissance et la sienne - il est ne le meme jour que moi.- C'est un excellent et brave garcon que j'aime de tout mon coeur - ainsi que sa femme.- A propos, vous n'oublierez pas de vous informer si ce que je vous demandais pour eux est faisable?5
   La petite Pauline doit etre en ce moment sur la route de Varsovie a Berlin6.- J'espere qu'elle arrivera en bonne sante.- Je n'ai pas grand'chose a ajouter a ce que j'ai deja dit de son caractere; je crois seulement qu'elle est plus educable que je ne le pensais.- Il parait qu'elle avait deja beaucoup change a son avantage pendant les quinze jours qu'elle est restee chez les Tutchefs.- Jusqu'a present, je ne me sens pas de grande tendresse pour elle - cela viendra peut-etre plus tard.- Mais des a present, je suis bien resolu a faire pour elle tout ce qui dependra de moi.
   Il faut que je rectifie une des choses que je vous ai ecrites dans ma derniere lettre7: j'ai ete hier matin chez le comte Michel Wielhorski ou j'ai vu Matthieu, et tous les deux m'ont temoigne le plus vif interet pour vous, m'ont accable de questions sur vous, sur Fides8, sur vos intentions, etc. etc.- J'ai longuement parle de vous et aussi de Gounod, qui peut compter maintenant sur deux amis et deux admirateurs de plus on Russie.- Le comte Michel m'a prie de le supplier de leur envoyer quelque chose (comme le "Sanctus" ou le "Requiem") qu'ils s'engageraient a executer ici avec tous les moyens immenses qui sont a leur disposition9.- Dites-en deux mots a Gounod - pourquoi ne le ferait-il pas? Il peut etre sur que tout sera mis en oeuvre pour remplir dignement ses intentions.- Il me semble qu'il n'y a eu rien de fait en Angleterre - vous m'en aimez parle.- Petersbourg ne vaut pas Londres, musicalement parlant - et cependant, le public d'ici n'est pas a dedaigner - vous en savez quelque chose...
  

Lundi, 31 octobre {*}/12 novembre

{* Так в подлиннике.}

   ie viens de recevoir votre lettre 10, chere et bonne Madame Viardot. Pourquoi faut-il qu'elle m'ait rendu si triste!- Vos yeux sont malades - vos douleurs nevralgiques a l'oreille sont revenues, pauvre chere amie - pourquoi souffrez-vous?- Si je pouvais seulement prendre sur moi vos souffrances - avec quel plaisir, avec quel bonheur ne le ferais-je pas!- J'espere que cette lettre vous trouvera deja en meilleure sante - mais je ne serai tranquille que quand vous me l'annoncerez vous-meme.- Woyons - tranquillisez-moi bien vite!- Depuis ce matin, je ne fais que penser a cette cruelle journee ou vous avez tant souffert a Paris... Je ne demanderais pas mieux que de me faire couper la main, si cela pouvait vous soulager - je vous assure, je m'en veux de me bien porter pendant que vous souffrez. Pauvre chere amie, guerissez vite - et hatez-vous de me l'annoncer.- Ce que vous me dites dans votre lettre de l'accueil que vous a fait l'orchestre, de Mme Ungher - m'aurait fait un plaisir bien plus grand, si vos mauvaises nouvelles ne me l'avaient pas gate.- Elles m'otent le courage de vous parler d'autre chose. Cependant, je vous dirai que je suis occupe pour le moment a ecrire une comedie en un acte pour une actrice de talent, une Mme Samoiloff11.- Je n'ai encore vu representer aucune de mes comedies - les representations a benefice se succedent presque sans interruption - ce qui amene une foule de nouvelles pieces - mais une de mes comedies est annoncee pour apres-demain12.- Je vous parlerai do l'impressitfh qu'elle me fera a moi-meme.- Une autre comedie en cinq actes que j'avais envoyee ici et que la censure a defendue - a dans ce moment un assez grand succes dans les salons13.- Je commencerai demain une nouvelle lettre. Le n® 1, en priant le ciel de ne pas aller jusqu'a 50.- Mais surtout guerissez bien vite, bien vite. Mein Gott, ich mochte mein ganzes Leben als Teppich unter Ihre lieben Fiisse, die ich 1000 mal kusse, breiten. Mille amities a tout le monde - et pour vous Sie wissen dass ich Ihnen ganz und gar angehore {Далее зачеркнуто несколько слов.}. J'embrasse Gounod. Soyez tous heureux et contents.

Votre

J.T.

  

157. Н. В. САМОЙЛОВОЙ

Октябрь ст. ст. 1850. Петербург

Милостивая государыня

Надежда Васильевна,

   Не имея чести быть лично {Далее начато и зачеркнуто: изв<естным>} [знакомым] с Вами и желая сделать Ва<м> <?) одно предложение) - я было хотел обратиться к какому-нибудь из наших общих {Далее зачеркнуто: знакомых} прият<елей> с просьбой представить меня Вам; но вре<мя> м<ежду> т<ем> уходит, и я решаюсь писать прямо к Вам. Я имел не раз удовольствие) видеть Вас на театре - и был бы очень рад написать для Вас и Вашего брата1 одноактную комедию, которой план уже составлен мною и даже первые сцены написаны {Далее зачеркнуто: Но не зная, согл<аситесь ли Вы>}2. Смею надеяться, что Вы бы не отказались от Вашей роли; но {Далее зачеркнуто: а. не зная сроку; б. не зная врем<ени>} будучи к неизв<естности> от<носительно> <?> дня Вашего бенефиса3, не могу приняться за работу, сов<ершенно> <?> не зная, успею ли ее окончить. И потому прошу Вас, если {Далее зачеркнуто: Вам мое предложение кстати -} Вы согласны на мое предложение - уведомить меня, когда именно будет В<аш> бенеф<не>, и позвольте мне {Далее зачеркнуто: а. в случае; б. явиться к Вам} увидеться с Вами и с В<ашим> б<ратом>, с кот<орым> поз<накомил> меня г. Панаев <?> для сообщения и {Далее зачеркнуто: если угодно обсуждение плана} обсуждения плана {Далее зачеркнуто: Вы можете, если хотите, дать мне ответ через Ваш<его> брата, с кото<рым>}.

С истинным уважением остаюсь {*}

{* Далее зачеркнуто: Преданнейший В<аш> сл<уга>}

В<аш> пок<орней>ший сл<уга>

Ив. Тургенев, М<ой> а<дрес>:

  

158. H. M. ЩЕПКИНУ

3 (15) ноября 1850. Петербург

  

С.-Петербург.

3-го ноября 1850-го г.

   Вчера получил я Ваше письмо, любезный Щепкин, и спешу Вам отвечать. Я, право, не заслуживаю ни такой благодарности; ни таких похвал - и душевно рад, если мог чем-нибудь доказать мою готовность быть Вам полезным1.- Что же касается до изменений цензурных - то даю Вашему батюшке и Вам полное право изменить и выкинуть всё, что угодно - не считая нужным советоваться со мною - что, по причине расстояния, было бы без того затруднительно. Я в этом деле совершенно полагаюсь на Ваш вкус.- Остальные две вещи2, которые я намерен был Вам выслать - будут отправлены в Москву на будущей неделе.- Я было собирался сам выехать в Москву в конце этого месяца - но одно непредвиденное обстоятельство меня задержит до половины декабря3, а именно - я желаю написать пьесу для бенефиса Самойловой4.- Скажите, пожалуйста, от меня Михайле Семенычу, что я ничего так нетерпеливо не желаю, как удовольствия обнять его и поблагодарить за расположение ко мне. Первый мой выезд в Москве будет к нему5. Желаю ему всяких благ и здоровья - а Вам жму крепко руку и остаюсь навсегда

искренно преданный Вам

Ив. Тургенев.

  
   Усердный мой поклон всем московским друзьям.
  

159. В. Н. БОГДАНОВИЧ-ЛУТОВИНОВОЙ

11 (23) ноября 1850. Петербург

  

С.-Петербург.

11-го ноября 1850-го г.

   Вот Вам, любезная Варвара Николаевна - сертификат на часы, высланные Вам сегодня. Они первого женевского мастера и, надеюсь, Вам понравятся. Цена им 85 р. сер. На остальные 15 р. я бы купил Вам серьги - но теперь никто не носит с розовыми камнями - и готовых я таких не нашел. Хотите ли, чтобы я заказал или купил другие, или Вы сами купите в Москве?- Я думаю выехать отсюда через две недели.- Я предпочел заплатить подороже за часы - по крайней мере, Вы будете иметь нечто отличное.- Поклонитесь от меня маменьке и скажите ей, что я перед отъездом к ней напишу. Сухотина я видел. Будьте здоровы и благоденствуйте.

Преданный Вам

Ив. Тургенев.

  

160. ПОЛИНЕ ВИАРДО

1, 7, 11, {13, 19, 23) ноября 1850. Петербург

  

Mardi {*},

1/13 novembre 1850.

St. Petersbourg.

{* Так в подлиннике.}

  

No 1

  
   Willkommen, theuerste, liebste Frau - nach sieben-jahriger Freundschaft - willkommen an diesem mir heili-gen Tag! Dieu donne que nous puissions passer ensemble le prochain anniversaire de ce jour et que dans sept ans encore notre amitie reste la meme!
   Je suis alle aujourd'hui saluer la maison ou j'ai eu le bonheur de vous parler pour la premiere fois il y a sept ans. Cette maison est situee sur la perspective Newski, en face du theatre Alexandra1 - votre appartement faisait l'angle - vous en souvenez-vous? Il n'y a pas dans toute ma vie de souvenirs aussi chers que ceux qui se rattachent a vous... il m'est bien doux de sentir en moi, apres 7 ans, une affection aussi vraie, aussi profonde, aussi inalterable que celle que je vous ai vouee - l'impression qu'elle produit sur moi-meme est bienfaisante et penetrante comme un beau rayon de soleil; faut-il que j'aie du bonheur pour meriter qu'un reflet de votre vie se mele ainsi a la mienne? Aussi longtemps que je vivrai, je tacherai de me rendre digne d'un pareil bonheur; je me respecte depuis que je porte ce tresor en moi. Vous savez que ce que je vous dis est vrai, aussi vrai que parole humaine peut l'etre... j'espere que vous eprouverez quelque plaisir en lisant ces lignes... et maintenant permettez-moi de me prosterner devant vous.
  

Mardi {*}, 8/20 novembre.

{* Так в подлиннике.}

   Chere et bonne Madame Viardot, toute une semaine s'est passee sans que j'aie ajoute une ligne a cette lettre; je vous en demande mille fois pardon. Car ce n'est pas une excuse que de vous dire que j'ai ete extremement occupe (et que je le suis encore) tout ce temps-ci; toutes les occupations du monde ne doivent venir qu'en second lieu, quand il s'agit de vous ecrire. Je me mets donc de nouveau a vos pieds en vous priant bien de me pardonner und mir erlauben, diese lieben Fiisse, diese Fusse, denen meine ganzet Seele angehort, als Zeichen der Verzeihung, auf das inbruristigste zu kussen.
   Il faut vous dire que je me suis charge d'ecrire иде petite comedie en un acte pour Mme Samoiloff2. Je dois la livrer mardi prochain, c'est-a-dire dans une semaine et il faut que je travaille ferme pour etre en etat de le fair. Je vous en raconterai le sujet des que j'aurai un peu plus de temps libre. J'attends avec impatience des nouvelles de votre rentree dans "Le Prophete", je supplie le ciel de vous oter bien vite vos maux d'yeux et vos nevralgies, ce n'est pas bien a lui de ne pas vous rendre la vie aussi douce qu'un "tapis de gazon". Cette derniere phrase me fait penser a Gounod, que j'embrasse de tout mon coeur; dites-lui donc de ne pas oublier d'envoyer ici son "Sanctus", et pour mon usage particulier des petites copies faites de sa fine ecriture de "Trinquons", du "Vieil habit", du "Juif errant" et de "Venise"3. S'il le desire, je les garderai exclusivement pour moi; si non, je continuerai a lui faire des proselytes - le comte Wielhorski est deja fou de lui, grace au "Vallon"4. Si vous voulez aussi m'envoyer une copie de la "Judita" et de deux ou trois autres chansons mexicaines5, je vous en remercierai en embrassant, autant de fois qu'il y aura de notes, chacun des jolis doigts de votre belle main.
   La petite Pauline doit etre deja a Paris, s'il ne lui est rien arrive en route; je vous remercie deja pour toutes les caresses que vous lui avez faites et toutes les bontes que vous aurez pour elle. Je vous le repete: la seule chose que je lui ai dite en partant, c'est qu'elle ait a vous adorer comme son Dieu; elle ne sera pas la seule a le faire, mais il lui convient a elle surtout de ne jamais penser a vous sans que ses mains se joignent et que ses genoux plient. Ich bitte Sie, erlauben Sie ihr Ihre Hande recht oft zu kussen. Denken Sie, dass wenn es auch nicht meine Lippen sind, so sind es doch Lippen, die mir nahe stehen. Und seien Sie tausendmal gesegnet.
  

Samedi, 11/24 novembre {*}.

{* Так в подлиннике.}

   Chere et bonne Madame Viardot, meine theuerste, beste Freundinn, je viens de recevoir votre chere lettre ecrite le lendemain du "Prophete"6. Vous ne sauriez croire combien votre rentree triomphale m'a ravi, bravo, messieurs les Parisiens! Le reproche que vous me faites de ne pas vous ecrire assez souvent m'a fait rougir et je vous promets de ne pas laisser desormais une semaine sans vous envoyer de mes nouvelles. Comment! Vos pauvres chers yeux ne vont pas encore bien? Ecrivez-moi donc bien vite qu'ils se sont completement remis. Je suis bien content que vous vous soyez liee d'amitie avec Mme Ungher; je vous ai souvent parle d'elle comme de la seule cantatrice que ait produit sur moi une profonde impression - avant vous. Merci aussi pour tous les details que vous me donnez sur notre fille bien-aimee Sapho7 - que le ciel la conduise a bon port! Pour le coup, j'ecrirai a Gounod mardi ou je veux qu'on me traite a jamais d'ami oublieux et ingrat.
   Il faut le dire: je n'ai jamais ete plus occupe que maiib tenant. Je n'ai jamais su jusqu'a present ce que c'est qu'un travail de ce genre, a la tache, a terme fixe. Et cependant, il faut que cela soit fait; on compte sur moi. Les deux derniers fragments des "Memoires d'un chasseur", qui viennent de paraitre dans "Le Contemporain" ont un grand succes8; je vous le dis, parce que je sais que cela vous interesse. Je n'abandonne pas l'idee de les reunir tous et de les faire imprimer a Moscou9. Vous ne m'avez encore rien repondu sur ma demande a propos de la dedicace - j'espere que vous ne voudrez pas me refuser ce bonheur, d'autant plus que pour le public il n'y aura que trois etoiles10. Je vois assez souvent les deux comtes Wielhorski qui vous aiment bien tous les deux. Pour l'opera italien d'ici, il ne bat que d'une aile. Mario fait le capricieux et ne chante presque pas; Mlle Persiani a la voix plus fausse que jamais. Tamberlick n'a pas de voix ici (a ce qu'il parait une diarrhee presque continuelle en est la cause). Tambu-rini aboie et les autres font encore pis11. J'ai ete entendre "Guillaume Tell" qu'ils ont massacre. Les choeurs surtout sont mauvais et peu nombreux. Mais quelle musique!12
   Me voici au bout de la page et je n'ai pas le temps d'en commencer une autre. Mais des que je serai redevenu libre, et je le serai des le commencement de la semaine prochaine, [je jure de vous envoyer une lettre enorme. Jusque-la, portez-vous bien tous. Mille amities a tout le monde. Und Ihnen kiiss ich die Fiisse stundenlang. Tausend Dank fur die lieben Nagel.

Votre J. Tourgueneff.

  
   Es ist schon lange her, dass Sie mir schriftlich Ihre Irlande zu kussen nicht geben... Warum? Bitte, in nachsten Brief lassen Sie mich Ihre Fusse kussen.
  

161. ПОЛИНЕ ВИАРДО

16 (28) ноября 1850. Петербург

  

Jeudi, 16/28 novembre 1850.

Chere et bonne Madame Viardot,

   Je ne puis vous ecrire que deux mots a la hate - je viens de recevoir une lettre qui m'annonce que ma mere est a l'agonie et je pars ce soir meme pour Moscou 1. Je vous ecrirai le jour meme de mon arrivee. J'aurai probablement des moments bien penibles a traverser et beaucoup de questions difficiles a resoudre. Donnez-moi vos deux mains pour que je puise du courage dans un shake-hands bien fort et bien amical. Adieu, que le ciel vous benisse mille fois. Dans trois jours, je vous ecrirai de Moscou.

Votre

J. Tourgueneff.

  
   P. S. Ecrivez-moi a la meme adresse, Comptoir Iazy-koff.
  

162. ПОЛИНЕ ВИАРДО

22 ноября (4 декабря) 1850. Москва

  

Moscou. Mercredi, 22 novembre v. s. 1850.

   Chere et bonne Madame Viardot,
   Je suis arrive hier soir ici1 - et je n'ai plus trouve ma mere en vie - elle est morte jeudi passe, le jour meme ou l'on m'annoncait sa maladie.- Mon frere est ici avec sa femme.- Je vous ecrirai demain - aujourd'hui je suis trop ebranle - je ne veux que vous donner cette nouvelle et vous serrer la main aussi fort que je le puis faire. A demain. Que le ciel vous protege et vous benisse.

Votre J. Tourgueneff,

  

163. ПОЛИНЕ ВИАРДО

24, 26, 28 ноября (6, 8, 10 декабря) 1850. Москва

  

Moscou.

Vendredi 24 novembre/6 decembre 1850.

   Voici trois jours que je suis ici, chere et bonne Madame Viardot, et c'est a peine si j'ai le temps de prendre la plume pour vous tracer quelques mots a la hate. Ce n'est pas que nous ayons, mon frere et moi, beaucoup de choses a faire - les scelles ne seront leves que dans une semaine1 - mais nous avons tant de choses a debattre, a preparer. C'est une terrible responsabilite qui vient de nous tomber sur les epaules.
   Ma mere est morte sans avoir pourvu a quoi que ce fut; elle a laisse toute cette foule d'existences qui dependaient d'elle - on peut le dire - sur le pave; il faut que nous fassions ce qu'elle aurait du faire. Ses derniers jours ont ete bien tristes.- Dieu nous garde tous d'une pareille mort. Elle ne cherchait qu'a s'etourdir - la veille de sa mort et tandis que le rale de l'agonie commencait deja - un orchestre jouait des polkas dans la chambre voisine - d'apres son ordre. On ne doit aux morts que respect et pitie - aussi ne vous dirai-je rien de plus. Cependant - comme il m'est impossible de ne pas vous confier tout ce que je sens et ce que je sais - je n'ajouterai qu'un mot - c'est que ma mere ne pensait dans ses derniers instants qu'a - j'ai honte de le dire - qu'a nous ruiner - mon frere et moi, et que la derniere lettre qu'elle ait ecrite a son intendant, contenait un ordre precis et formel de tout vendre a vil prix, de mettre le feu partout s'il le fallait pour que rien ne - - Enfin - il faut oublier - et je le ferai de grand coeur, maintenant que vous le savez, vous, qui etes mon confesseur.- Et cependant - je le sens - il lui aurait ete si facile de se faire aimer et regretter de nous! - Ah oui - que Dieu nous garde d'une pareille mort! Je vous epargne une foule d'autres details - a quoi bon? Que Dieu lui fasse paix2.
   Mon frere, sa femme et moi nous restons ici jusqu'au nouvel an pour tacher d'arranger nos affaires le mieux possible. Les biens que ma mere a laisses sont dans un etat fort peu prospere - et malheureusement la recolte a ete presque nulle cette annee-ci. Nous devons tacher de nous restreindre autant que cela sera faisable jusqu'au mois d'aout prochain. J'ai propose a mon frere de payer sur-le-champ toutes les dettes particulieres de ma mere (qui ne sont pas considerables), de recompenser tous les services - d'y employer tout l'argent disponible. Une fois ce poids ote de

Категория: Книги | Добавил: Armush (26.11.2012)
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